Bali, Indonésie

Je m'envole donc vers Bali à 23 heures. J'y vais sans grande conviction. C'est vraiment parce que mon visa australien me demande de sortir du territoire tous les trois mois et parce que c'est la destination la plus proche. J'ai l'intention de voir un peu pour me faire une idée mais d'en profiter aussi pour aller sur Java, l'île voisine, plus grande et moins prisée des touristes. Ou en tout cas pour un autre style de tourisme, loin des restos au look total Instagram, et davantage tourné vers la rando sur les volcans.

 

 

 

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J'arrive à 3 heures du matin à Denpasar, après 1h30 d'attente à la douane. Je n'ai aucune envie de m'engouffrer dans un taxi et d'arriver dans une chambre dans une heure de plus. Je reste donc dans l'aéroport et déplie mon drap sur un banc de la salle prévue pour  les voyageurs qui veulent passer la nuit. Cette salle est bondée et j'ai l'impression d'arriver dans un camp de réfugiés. Il y a une atmosphère bizarre mais que je n'arrive pas à identifier. Je me dis que c'est parce que je suis maintenant en Asie et aussi parce que dans cette salle les gens vont et viennent, refont leur valise et c'est un bazar monstre.

 

Mais au petit matin, quand je prends un thé à côté de deux Québécoises, je comprends ce qu'il s'est passé : un deuxième séisme ravageur a frappé l'île voisine de Lombok et les îles Gili (et donc aussi Bali mais sans dégâts). Voilà pourquoi régnait une atmosphère de tension dans cet aéroport : beaucoup de gens ont écourté leurs vacances et tentent de prendre le premier avion pour rentrer chez eux, comme ces Canadiennes qui ont eu très peur et ne profitent plus de leur voyage depuis plusieurs jours.

 

Je ne me précipite pas pour aller à Canggu, là où j'ai réservé une auberge pour une semaine, avec possibilité de cours de surf tous les matins. Je passe donc la journée à l'aéroport, à travailler sur mes traductions, puisqu'on est lundi !

En fin de journée, je saute dans un taxi, la conversation avec le chauffeur est difficile car il ne comprend même pas le mot "earthquake" (tremblement de terre), il ne comprend ni le mot, ni le geste. J'en profite donc pour siester deux heures et j'ouvre les yeux devant la porte du Mojo Surf Camp. 

 

Personne ne parle des séismes et personne ne semble affolé. La vie suit son cours et on pourrait presque passer la semaine sans être au courant. L'atmosphère à Bali est beaucoup moins alarmiste que ce que diffusent les médias. Mais aux Gili et à Lombok, ce fut effectivement le chaos et la terreur. Au bout de trois jours, j'ai enfin des nouvelles de Florent, un Français que j'ai croisé en Australie et qui se rendait aux Gili pour quelques mois. Le message qu'il publie sur Facebook pour indiquer qu'il est en vie et pour relater un peu la situation fait froid dans le dos.

J'ai prévu de passer un mois en Indonésie mais j'oublie donc l'idée de me rendre sur toute île autre que Bali et Java.

 

Le cours de surf du lendemain matin est très décevant : plage laide et sale, marée basse car plus facile pour les instructeurs de gérer un groupe qui a pied plutôt qu'un groupe qui doit revenir vers eux sur les planches, à la force des bras, staff du Mojo Surf Camp qui ne sert pas à grand chose et qui délègue aux Balinais le boulot de pousser les débutants sur les vagues... bref, je ne reprendrai pas de leçon. 

Je crois que je ne suis pas vraiment disposée à apprécier Bali : je suis assez triste d'avoir quitté l'Australie et je trouve que rien ne peut être aussi beau. Aussi, je suis énervée de constater ce tourisme de consommation et de selfies, qui ne s'intéresse pas du tout au pays mais juste aux endroits canons qu'il faut collectionner.

Ainsi, je profite de la semaine pour travailler, lire et trier mes centaines de photos. 

Je fais encore des rencontres sympathiques : que des nanas qui voyagent seules. 

Carolina, du Chili, a quitté son boulot et lance sa marque de vêtements, cherchant à Bali l'inspiration et des fournisseurs.

Lucy, de Byron Bay (Australie 😍), voyage quelques semaines en Indonésie et au Sri Lanka. Emily,  de Brisbane, s'offre une semaine de vacances à Bali. 

Julie, de Paris, est aussi travailleur nomade (elle a créé une boutique en ligne d'accessoires pour chiens) et change de pays à chaque expiration de visa ! 

Lucy et Emily se sont rencontrées dans l'avion en venant, j'ai rencontré Lucy dans un petit resto à midi, et Julie et Carolina dans mon dortoir. Nous formons un joli petit groupe et les Australiennes promettent et me font promettre de se revoir ! Retourner à Byron, je ne dis pas non ! Les accueillir chez moi quand j'en aurai à nouveau un, c'est volontiers aussi.



Auberge Mojo Surf Camp, Canggu
Auberge Mojo Surf Camp, Canggu
Ingénieuse invention pour charier une planche à scoot
Ingénieuse invention pour charier une planche à scoot
Canggu
Canggu
Canggu
Canggu

Et voici l'envers du décor. Ce que de nombreux vacanciers font semblant de ne pas voir.

 

Une semaine à Ubud.

 

On m'a beaucoup dit que c'était paisible, au milieu des rizières, avec un fort esprit yoga... j'imaginais un village calme et zen et je trouve en fait un ville bondée de touristes, coincée d'embouteillages et tellement d'échopes que j'en ai le tournis. J'ai la chance que mon airbnb soit situé dans une rue piétonne et très mignonne, mais être éloignée du centre pour me balader le matin dans les rizières m'aurait sans doute donné une meilleure image d'Ubud.

 

Mais je reçois du boulot qui m'occupe finalement toute la semaine et je n'ai pas le temps d'explorer beaucoup. 

J'apprécie quand-même de loger dans cette maison typique, avec un temple à l'entrée de la propriété, la cuisine à l'est et la chambre des grands parents au nord. C'est grand et il y a de la verdure, à tel point qu'on n'entend même pas le mumure de la rue.

 

Le samedi, je file visiter les rizières en terrasse de Tegallalong. Plus de scooter disponible, j'y vais donc à pied mais deux heures aller et deux heures retour au bord de cette route stressante, ce n'est pas vraiment le kiff : je saute donc à l'arrière du scooter d'un local ! Il est timide mais très sympa. Agung est étudiant et il parle même trois mots de français ! Contre quelques billets, il accepte d'aller un peu plus loin pour me déposer à Tegallalong. Le tour est joué !

 

Le décor est Instagram à souhait, avec ses balançoires fleuries, les "bali swing", qui projettent les touristes venues en robe de cocktail juste pour des photos d'elles sur ces installations. Moi, je ne vois que des bouteilles en plastique dans les parcelles. Le lieu est beau mais tout cela m'énerve et me gâche le plaisir. 

Le temps n'est pas non plus de la partie et je n'ai pas la belle lumière du couchant pour mes photos de paysage. 

Je rentre en trouvant une voiture qui me dépose, aussi contre quelques billets (dans ce paradis des Australiens et Européens pour qui les prix ici sont dérisoires, les locaux ont bien compris ce qu'il pouvaient tirer de la situation , et ils seraient idiots de s'en priver). Par contre, tout n'est pas moins cher qu'en Europe, surtout dans ces coins touristiques. 

 

Demain matin, avant d'aller sur l'île de Java, je tiens à prendre un cours de yoga, dans un maison au milieu des rizières, l'Ubud Yoga House. L'expérience est très relaxante : dans une atmosphère pluvieuse et fraîche, le cours a lieu sur une plateforme en bambou au milieu des arbres. Tout est serein et vivifiant. Le cours est de qualité et je repars calmée et prête à apprécier le reste de ce séjour indonésien. J'ai laissé de côté mes grognements, mais j'ai aussi oublié mes lunettes de vue ! Trop tard pour les récupérer 😞

Je mandate des jeunes qui proposent leurs services de taxi scooter pour qu'ils aillent les chercher et me les amènent là où j'attends le bus pour l'aéroport. Difficile pour eux de comprendre autre chose qu'une commande standard et je suis prise par le temps pour ne pas rater mon bus. Je laisse tomber.

Eh hop, sur le scoot' d'Agung !
Eh hop, sur le scoot' d'Agung !
Les balançoires pour les touristes
Les balançoires pour les touristes
Ubud Yoga House, séance de yoga
Ubud Yoga House, séance de yoga
L'entrée de la maison, rue Goutama, Ubud
L'entrée de la maison, rue Goutama, Ubud

Il de Java

 

Je quitte Bali sous la pluie et je sens que je vais aimer Java. J'arrive à Jogjakarta sous un soleil de plomb, je trouve un taxi pour m'amener à une auberge que je n'ai pas réservée mais que j'ai repérée, Laura's backpacker. Ici, il n'y a que des allemands ! C'est impressionnant. Je rencontre Moritz, un grand mince qui s'énerve au téléphone car sa CB vient d'être bloquée par sa banque. Il me raconte un peu ses soucis mais je fatigue.

 

Quand ma chambre est prête, je prends mes quartiers et je file retirer du fric. Mais je pars du distributeur sans ma CB et je m'en rendrai compte le lendemain. Ici, ils donnent les billets en premier, puis la carte, après un long laps de temps. Mais avec mon appli Revolut, aucun stress : je clique sur Bloquer la carte, et le tour est joué. Le seul hic c'est que je vais à nouveau devoir utiliser ma CB française, et avoir des frais.

Ensuite, je me balade dans Jogya pour me rendre à une toute petite agence de voyage locale que des filles rencontrées à Canggu m'ont conseillée : Cafe Jogya Corner. Sur l'avenue principale, je rencontre un monsieur d'une soixantaine d'années, dont le fils fait ses études en France. Il parle donc un peu français et est très aimable. Jogjakarta me fait très bonne impression : malgré sa taille et son trafic dense, je me sens très à l'aise et en sécurité. Ici, ce n'est pas comme le sud de Bali que je viens de quitter : il y a plus de locaux que de touristes et c'est bien plus agréable !

 

Je réserve donc trois jours de circuit découverte des volcans Bromo et Ijen, auprès de Marmo, un Javanais tout sourire qui tient cette petite agence très bien référencée. 

Je suis la dernière cliente et nous buvons une bière dans un café du quartier. Que c'est agréable de voyager seule : pas de plans, pas d'obligations, pas de pression et cela laisse donc davantage de place à l'imprévu avec les locaux. Marmo est plutôt blagueur, mais comme beaucoup d'Indonésiens en fait !

 

De retour à l'auberge, Moritz me présente deux autres allemands qu'il a rencontrés ici (Max et Mesut) et ils me proposent de venir avec eux demain explorer la région en scooter. J'accepte volontiers et nous voilà partis à 4 h 30 du matin pour le lever de soleil au-dessus du temple de Borobudur. Sur la route, Max est mon conducteur et je profite de la vue sur les volcans dans les premières lueurs du jour. Nous arrivons juste à temps pour un spectacle magnifique qui se joue entre la brume et le soleil. 

Nous poursuivons la journée en visitant le temple de Borobudur et ses énormes cloches en pierre. Le site est très beau mais je regrette de le voir à 8 heures, dans une lumière déjà très blanche et bien moins poétique. Nous roulons ensuite vers le volcan Merapi, les garçons ont prévu l'ascension, moi je suis le mouvement. 

Mais avant d'aller au parking que nous indique un Javanais, ils veulent aller au bout du chemin qu'indique le GPS de leur téléphone. 20 minutes de route ultra escarpée et on finit avec un scoot' qui sent le chaud et deux passagers qui se retrouvent à pied dans les pentes ! Ça ne mène nulle part mais ça a le mérite de nous avoir emmenés dans les villages des flancs du volcan, où aucun touriste ne semble s'aventurer. Les villageois sont surpris de nous voir, même intrigués. Ils nous regardent comme si nous étions des extraterrestres. Donc c'est râpé pour la rando mais nous ne regrettons pas ce détour ! 

 

Nous finissons la journée au temple de Prambanan, pour le coucher du soleil. Nous avons roulé plus de 4 heures, les conducteurs sont crevés mais nous sommes heureux de notre journée et de notre petite équipe sans chichis. Max s'envole demain pour les îles à l'est, Moritz et Mesut feront le même circuit volcans que moi mais avec un jour de retard car ils veulent le faire par leurs propres moyens plutôt qu'avec une agence. Je dois avouer que je n'ai pas trop vu l'intérêt la manip : ils n'ont pas payé moins cher, ils ont mis plus de temps, ils ont vu les même choses aux mêmes points de vue, logeaient dans les mêmes hôtels et parfois ils étaient dans les mêmes bus que les autres. Moi, j'ai préféré la tranquillité d'esprit en achetant tous les billets d'un coup. L'aventure, je la préfère au volant de ma voiture ! 

Vol Bali > Java. Vue sur les volcans.
Vol Bali > Java. Vue sur les volcans.
Temple de Borobudur
Temple de Borobudur
Beaucoup d'indonésiens nous arrêtent pour avoir une photo avec nous. Notre peau blanche les fascine.
Beaucoup d'indonésiens nous arrêtent pour avoir une photo avec nous. Notre peau blanche les fascine.
Le Merapi en scooter
Le Merapi en scooter
Village sur les pentes du Merapi, avec du thé qui sèche.
Village sur les pentes du Merapi, avec du thé qui sèche.
Coucher de soleil sur le temple de Prambanan
Coucher de soleil sur le temple de Prambanan

Excursion de 3 jours sur Java est.

Source : https://fr.wikivoyage.org/wiki/Java#/media/File:Java_region_map_(fr).png
Source : https://fr.wikivoyage.org/wiki/Java#/media/File:Java_region_map_(fr).png

 

 JOUR 1 - trajet Yogya' > Bromo (15 heures)

 

Allez, je refais mes sacs pour la énième fois et j'attends le mini bus à 8 h 15 devant l'auberge. Programme du jour : faire 12 heures de bus pour se rendre de Yogya' à Probolinggo, au pied du Volcan Bromo (12 heures qui en seront finalement 15). Ce n'est pas ultra confort mais y a pire, alors chacun prend son mal en patience. Je profite du paysage, entre rizières et montagnes, et je dors un peu. Nous n'avons aucune info, on ne sait pas quand on s'arrêtera manger, alors quand à 14 h 30 nous sommes enfin dans un restaurant, je commande deux assiettes. D'abord parce que les portions ici sont  petites et parce que je ne sais pas quand sera mon prochain repas. Nous arrivons enfin à Probolinggo, de nuit, à une agence de voyage pour faire le point des passagers : certains s'arrêtent ici, d'autres continuent avec nous vers les hôtels du village de Cemoro mais n'ont pas réservés, d'autres les ont réservés, d'autres encore achètent maintenant leurs billets pour les parcs des volcans de demain... bref c'est un bordel monstre. Nous passerons plus d'1 h 30 dans ce petit bureau et cette petite cour avant de monter tout moteur hurlant sur les flancs du Bromo. Le bus me dépose à 23 heures à l'hôtel que l'on m'a assigné : miteux. Les draps et les murs sont tachés et il fait un froid de montagne. Le dîner soi-disant compris dans le package n'est plus servi à cette heure-ci. Je prends une douche et me glisse dans mon drap de camp à moi, qui sort du pressing de Yogya. Ca suffit à se sentir presque chez soi ! 

 

JOUR 2 - Mont Bromo, alt. 2 329 m

 

Une nuit de trois heures et hop, le réveil sonne, je saute dans mes habits chauds et dans une jeep qui nous emmène sur un point de vue au-dessus de la chaîne de volcans. En me retournant vers l'hôtel que l'on retrouvera tout à l'heure pour le petit déj', je vois une énorme traînée rouge dans la nuit. Je pense d'abord à une file de voitures : toutes les jeeps qui montent les milliers de touristes vers les sommets ? Mais non ! Olala, c'est une coulée de lave ! Dans la nuit, je n'ai aucun repère, je ne sais pas si elle est loin de l'hôtel ou non. Le chauffeur n'a pas l'air affolé et je préfère me dire que je ne suis pas la seule à avoir vu ça. Mais en fait si.

 

 

La coulée de lave derrière l'hôtel, prise en photo plus tard, depuis le point de vue.
La coulée de lave derrière l'hôtel, prise en photo plus tard, depuis le point de vue.

La Jeep se gare au milieu des nombreuses autres Jeep, sur une route en pente. Il fait nuit, il fait frais et le chauffeur nous dit de revenir pour 6 heures. Les autres Français avec moi s'inquiètent de savoir comment retrouver la Jeep dans tout ce bazar et ils prennent la plaque en photo. Moi, je repère le virage et la couleur de la carrosserie et je mémorise la plaque (1016) et je la retrouve en effet sans souci.

 

Tout le monde marche jusqu'en haut de la route, pour voir le lever du soleil depuis le point de vue King Kong view point. Mais un moment, des chauffeurs nous font signe de prendre un chemin sur la droite, qui monte sur une colline. Nous obéissons et arrivons à un point de vue tout tranquille, qui nous montre d'ailleurs la coulée de lave que j'avais vue en partant. Le reste du groupe veut continuer vers King Kong view point, je les suis. Mais ce que je découvre en arrivant est loin de l'expérience que j'attendais : une foule de touristes qui s'agglutinent contre un grillage, qui s'énervent et certains commencent même à s'engueuler (des Français). Oula, c'est pas pour moi alors je décide de redescendre seule au petit point de vue. J'ai ma lampe torche et je retrouve à peu près facilement le chemin. Quand j'arrive, des italiens me demandent le chemin pour monter mais je leur dis que c'est bien mieux ici. Ils sont tout contents que je ne garde pas cette info pour moi, mais ça me semble normal. Je ne comprends pas pourquoi tous ces gens jouent perso dans de telles circonstances ? On vient admirer la nature, le soleil, les paysages : des choses qui sont à tout le monde et à personne à la fois. Des choses qui sont magnifiques et qui devraient se savourer dans la paix et dans le partage. 

Sur notre petite colline loin de la foule, nous sommes 7 : le couple italien, deux allemandes, deux belges et moi. Je sors mes jumelles et les prête pour qu'ils regardent la coulée de lave. Nous sommes très heureux de ce moment de calme et de partage. Maintenant, le soleil se lève tranquillement et nous nous prenons en photo mutuellement. Personne ne joue des coudes, personne ne veut garder égoïstement ce moment pour soi, chacun partage, respecte, cède, apprécie la joie des autres : bref, le bonheur entre êtres humains.

Le Belge a un drone, il nous demande si cela ne nous gêne pas qu'il le sorte quelques minutes. On est OK, mais à la condition qu'il nous fasse profiter des photos ! (C'était il y a deux semaines et demi, on les attend encore !)

 

Je retourne à la Jeep pour 6 heures, le reste de mon groupe arrive ensuite et nous redescendons vers la mer de cendres : une immense étendue de dunes de sable gris où les chauffeurs s'en donnent à cœur-joie. Je ne peux m'empêcher de penser à Loulou et sa Jeep qui a brûlé il y a quelques mois. Il nous emmenait autour d'Orgnac, conduisant comme un pro et s'amusant comme un gamin. 

Cette fois, nous descendons de voiture pour enfin monter sur le Bromo : des chevaux amènent sur quelques mètres les touristes qui ne veulent pas marcher entre le parking et le bas du cratère et font monter dans l'air des nuages de sable fin. Maintenant je comprends pourquoi ici ils portent tous un masque ou un foulard devant la bouche. Au bout de cette étendue plate, des marches raides mènent sur la crête du volcan et je découvre le cratère fumant du Bromo. Je ne m'attendais pas à entendre ce ronronnement. Je m'éloigne de la foule et des couples qui font leur photos instagram. J'admire l'immensité à mes pieds, la belle lumière du matin, la poussière dans l'air qui donne un air mystique à ce paysage et la fumée qui sort de ce large trou vert. 

En redescendant, je ne peux m'empêcher de ramasser les déchets que je vois, essentiellement des bouchons en plastique. Je suis écœurée de constater le nombre de bouteilles qui ont roulé dans des failles auxquelles je ne peux pas accéder. D'où vient le problème ? Des visiteurs qui veulent à tout prix jeter dans les poubelles mises à disposition sur le site plutôt que de jeter une fois de retour à l'hôtel ? Des services de ramassage qui ne passent pas assez souvent ? (toutes les poubelles que j'ai vues en Indonésie débordent et le surplus s'envole...) Comment faire comprendre à autant de personnes qu'en montagne, à la plage et dans tout autre site naturel, ON REPART AVEC SES DÉCHETS ?

Ça ne coûte rien de ramasser chacun un peu.
Ça ne coûte rien de ramasser chacun un peu.

La Jeep nous ramène ensuite à l'hôtel pour la douche et le ptit dej (traditionnel Nasi Goreng : riz poêlé et œuf au plat, en petite portion !) 

Et le reste de la journée sera consacré à rouler pendant 8 heures pour rejoindre le village de Sempe, au pied du volcan Ijen. Les derniers kilomètres parmi les caféiers, les bananiers et les cyprès (oui !) sont étonnants.

Une immensité de caféiers
Une immensité de caféiers

 

JOUR 3 - Kawah Ijen, alt. 2 800 m 

 

Là encore, la nuit sera brève : coucher à 20 h 30, lever à 00 h 45. On n'avait encore jamais mis un réveil aussi tôt !

L'ascension commence à 01 h 30 et le petit dej' est à emporter : un œuf dur et deux tranches de pain de mie blanc. 

Avec un bon rythme, on arrive au sommet en une heure. Aucune difficulté : le sol est damé par les milliers de marcheurs, on est presque au coude à coude, on a un beau ciel étoilé pour seul paysage pour le moment, la montée est raide mais ça ne dure que sur 3 km. 

Un peu avant d'arriver, on ressent le besoin de porter le masque à gaz que l'on nous a fourni (certains malins ont estimé qu'ils n'en auraient pas besoin... là encore, je ne vois pas l'intérêt d'économiser 1,50 € et de se bousiller les bronches). 

En effet, le volcan Ijen est un volcan actif réputé pour son minerai de souffre : il s'agit d'une fumerolle rejetant d'importantes quantités de souffre. Des nuages de fumée qui attaquent les muqueuses, les yeux, la peau... La plupart du temps les fumées bouchent la vue mais un coup de vent permet d'apercevoir le jaune des blocs de souffre que les mineurs extraient à coup de barre à mine et remontent à la sueur de leur front. Ils travaillent la nuit, sont payés au poids et sont considérés comme les "hommes forts de Java". Ils travaillent sans masque à gaz et leur espérance de vie est de 40 à 50 ans.

 

On descend dans ce cratère essentiellement pour admirer un phénomène unique au monde : des flammes bleues produites par le souffre qui sort de terre à l'état gazeux. Ce n'est que quand il refroidit qu'il durcit et devient jaune.

 

Pour y aller, c'est abrupte et il n'y a pas vraiment de chemin, il faut passer de pierre en pierre. Rien de difficile pour les habitués de la rando, il faut juste prendre son mal en patience car il y a énormément de monde, dont beaucoup de novices. Les agences vendent ces excursions sans info, sans explications. Résultat : de nombreux visiteurs ne sont pas équipés pour marcher ou ne sont pas marcheurs du tout. 

 

Source image : https://farm1.staticflickr.com/579/20221640953_532b833a80_b.jpg
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J'admire ce spectacle sans prendre de photos, car je n'ai pas le matériel adéquat. Plus on est près de la fumerolle, plus les vapeurs sont douloureuses, même avec le masque : yeux et nez qui brûlent et qui coulent, gorge qui gratte, bronches qui toussotent... je me demande comment les mineurs font pour supporter ça chaque jour sans protection.

 

Je suis avec un jeune couple de savoyards et nous décidons de remonter sur la crête pour se trouver un coin idéal pour admirer le lever du soleil. Encore une fois, on s'éloigne de la foule et on apprécie le décor qui s'offre à nous : d'un côté les lueurs orangées du matin, de l'autre le cratère énorme et fumant. Et nous avons une chance inouïe : juste le temps de notre présence, le vent dissipe la fumée au-dessus du cratère et nous révèle un grand lac d'un bleu laiteux. On a tous les trois l'impression que la nature ouvre un rideau de théâtre pour nous montrer le spectacle. Il s'agit du lac le plus acide au monde : un pH de 0,2 qu'il doit à la dissolution des gaz volcaniques émis sous l'eau ! 

À noter que je trouve ces infos en me documentant ultérieurement sur Internet : les guides, les chauffeurs, les accompagnateurs, les agences n'expliquent rien et on peut tout à fait faire du tourisme-photo ou tourisme de collection des lieux ("j'y suis allé et je ne cherche pas à comprendre").

Il y a foule pour descendre dans le Kawa Ijen : toutes ces loupiotes sont les frontales des marcheurs...
Il y a foule pour descendre dans le Kawa Ijen : toutes ces loupiotes sont les frontales des marcheurs...
Le lac du Kawah Ijen au lever du soleil
Le lac du Kawah Ijen au lever du soleil

On grignote notre mini ptit dej' puis on redescend au bus. Nous avons deux petites heures de route pour aller au port de Banyuwangi, puis un ferry me ramène à Bali et je saute dans un bus local pour aller explorer cette fois la côte nord de l'île, qui s'annonce un peu moins touristique. 

 

 

Bali, côte nord

Dans le bus local qui roule toutes portes ouvertes, je sympathise avec d'autres baroudeurs, mais ils descendent à la première ville. Plus on roule, plus le bus se vide. Je suis maintenant la seule touriste à bord et je me dis que c'est bon signe pour ma nouvelle destination : un village entre  deux bourgs sans grand intérêt, Singaraja et Gitgit. Pour les 30 dernières minutes de route, je suis même la seule à bord et le conducteur en profite pour tester son potentiel séduction... échec. 

 

Je n'ai pas dormi, pas mangé, il fait chaud, j'ai vraiment hâte d'arriver. Je descends au terminus, à Singaraja, et je compte trouver un petit resto pour prendre des forces et profiter du wifi pour repérer l'adresse exacte de mon logement, à quelques kilomètres de là. Mais j'ai oublié qu'aujourd'hui, c'est la fête de l'Aïd, donc tout est fermé ! Je toque à un Warung (petit resto chez l'habitant) et je suis reçue par la fille des propriétaires. Vita, 20 ans, toute gentille et qui parle bien anglais puisqu'elle fait des études d'économie. Sa cousine, qui joue avec le tuyau d'arrosage dans la cour, est plus timide et rigole beaucoup en disant "turist ! turist !"
Vita me propose tout de suite de me donner Internet par son téléphone et elle me fait entrer dans la cour. On sympathise, on blague et on trouve mon adresse. Elle est intriguée de me voir seule, avec mes gros sacs. Elle me pose des questions sur mon voyage, mon âge, ma famille... On ne trouve pas de taxi par notre appli alors, quand ses parents reviennent de la mosquée, elle leur raconte mon histoire et leur demande de m'emmener en voiture. Elle et la petite cousine viennent avec moi, mais avant c'est séance photos ! La mère, l'oncle et Vita veulent leur photo avec la "turist" très blanche ! 

La gentillesse et l'intelligence de Vita m'ont beaucoup touchée et je remercie ses parents, qui refusent catégoriquement que je leur donne les billets que j'avais prévus pour le taxi. Avec cette fabuleuse rencontre et ces fous rires, mon séjour ici s'annonce tout à fait à mon goût !

Dans le bus local
Dans le bus local
Avec Vita et sa maman
Avec Vita et sa maman
Et la pose avec le tonton de Vita !
Et la pose avec le tonton de Vita !

La petite famille me dépose à mon airbnb et Vita et moi avons les larmes aux yeux. Un grand-père m'accueille et me montre la maison que j'ai louée pour trois nuits. C'est le grand luxe et je ne m'y attendais pas du tout. J'ai réservé comme d'hab' à la va-vite, sans regarder les photos et ni lire les commentaires. Ma crainte de tomber chez l'habitant, dans une chambre encore miteuse et glauque est vite estompée : jardin bien entretenu, scooter à disposition, carrelage brillant, cuisine d'extérieur... c'est plus que je n'en demandais ! 

J'ai deux journées ici : une pour bronzer, une pour travailler !

 

Je pose mes sacs et je ressors aussitôt pour trouver quelque chose à manger dans le quartier. Il n'y a que des habitations et des commerces familiaux installés sur les terrasses des maisons. Le premier auquel je m'adresse refuse de me servir et m'indique la rue principale pour un supermarché. Mais ce n'est pas ce que je veux ! Je m'arrête au commerce suivant et je trouve des œufs et des cacahuètes. La dame qui tient ce boui-boui ne parle pas un mot d'anglais et rit aux éclats à chaque fois que je lui parle ! Un jeune de la famille vient à la rescousse pour faire l'interprète mais nos rires ne cessent pas ! On ameute tout le quartier et me voilà entourée d'une dizaine de personnes intriguées par ma présence. On m'explique que les touristes ne s'arrêtent pas dans ce quartier et encore moins dans ces commerces locaux. Ils sont donc surpris que je m'intéresse à eux mais aussi que je voyage seule, sans mari. 

Seuls les moins timides ont posé pour la photo.
Seuls les moins timides ont posé pour la photo.

 

Le lendemain, je suis réveillée à 7 heures quand la maison tremble autour de moi. Je crois d'abord à un gros camion qui stationne dans la rue et fait trembler les murs. Mais je réalise vite qu'il n'y a pas de bruit et qu'il ne peut pas y avoir de camion dans mon chemin. Et là je comprends. Bon. Comme rien ne semble s'écrouler, je ne me précipite pas dehors. Ce n'était pas grand chose. Dans le quartier, rien à signaler, rien n'a changé et personne n'en parle. Les enfants sont en rang dans la cour de l'école et ils chantent en chœur sous la direction du maître. J'essaie de me faire discrète pour les observer mais ils ont vite repéré la "turist" et en quelques minutes, ils sont presque tous retournés, les rangs sont défaits, ils ne chantent plus, ils gloussent... je crois qu'il faut que je parte, j'ai semé la pagaille !

 

Mesut et Moritz, les allemands rencontrés à Yogya' ont maintenant fini leur excursion sur Bromo et Ijen, deux jours après moi. Ils me rejoignent pour que l'on explore cette partie de l'île ensemble. Je les héberge pour la dernière nuit dans mon palace et je suis contente d'avoir des compagnons de route pour mes derniers jours en Indonésie. 

 

Nous nous promenons autour du lac Buyan. C'est moins beau que ce que j'imaginais et nous marchons au bord d'une route sans grand intérêt. Je veux mettre à profit cette balade alors je ramasse les déchets plastiques qui jonchent le bas côté. Il y en a trop :(

 

On visite un temple sur l'eau mais je le trouve sans intérêt : il n'y a pas d'explications, rien pour entrer réellement dans la culture ; et que des gens qui font des selfies.

 

Juste avant le coucher du soleil, Mesut fait une sieste tandis que Moritz et moi allons voir une cascade dans la forêt autour de Munduk. La promenade qui y mène est superbe. Munduk est très agréable car il n'y a que des commerces familiaux et autres Warung, aucune boutique souvenir pour touristes. La nature est toute proche, fraîche et luxuriante. 

Le lendemain, nous filons aux impressionnantes cascades de Sekumpul (il y en a sept). Nous arrivons tôt, juste à temps pour les avoir rien que pour nous. Au niveau du parking, on essaie bien de nous vendre un ticket pour marcher avec un guide, soit-disant parce que le chemin est difficile à trouver et très glissant : rien de tout ça ! Juste des escaliers très raides qui mènent sans ambiguïté à la cascade. 

L'une des cascades de Sekumpul. C'est frais et la force de l'eau qui tombe de haut crée un vent impressionnant.
L'une des cascades de Sekumpul. C'est frais et la force de l'eau qui tombe de haut crée un vent impressionnant.

Contrairement à ce qu'on nous annonce, 40 minutes pour descendre et faire trempette nous suffisent. On aurait pu en profiter toute la journée mais nous avons de la route. Je veux aller au bout de l'île : à Tulamben, pour plonger sur l'épave d'un cargo américain, le Liberty. Alors, c'est parti !

On a négocié un chauffeur pour la journée ce qui est très pratique avec nos sacs, et cela ne coûte que 20 euros, à partager en trois ! Durant le trajet, nous discutons entre nous et je fais davantage connaissance avec Mesut, un kurde qui parle cinq langues, qui est arrivé en Allemagne à l'âge de douze ans, qui a grandi sans son père, qui habite à Paris et fait une thèse en chimie, qui essaie de faire comprendre à sa famille ses choix, tiraillé entre ses deux pays et ses deux cultures. Son intelligence et son calme m'impressionnent. Ses anecdotes sur son enfance et son incrédulité face aux mythes de guérison de ses ancêtres me passionnent. Moritz, quant à lui, fait de plus en plus preuve d'arrogance et de fierté ; la discussion est bouchée et me gave vite.

 

On arrive à Tulamben, on prend nos quartiers dans le dortoir du centre de plongée (Dive Concepts) et on file à l'eau ! 

Le site de Coral Garden est beau, avec ses poissons colorés et ses statues de bouddha recouvertes de coraux, le tout sur fond de sable noir volcanique. C'est une belle plongée. 

Une heure plus tard, nous plongeons sur l'épave du Liberty. D'abord détruit par les Japonais en 1942, il est ramené sur le rivage par les troupes américaines pour en décharger la cargaison. Puis en 1963, une éruption du Mont Agung remet l'épave à l'eau, à 30 mètres de la plage. Aujourd'hui, difficile de reconnaître la forme du bateau tellement il est morcelé, mais toutes les parties sont impressionnantes par leur taille. Je crois que c'est ma plus belle plongée jusque là : tout est recouvert de faune et de flore aux couleurs vives et en mouvement. L'eau est très claire et la lumière perce depuis la surface pour tout mettre en valeur.

Il est possible de l'admirer aussi en masque et tuba puisque le haut de l'épave n'est qu'à 3 mètres sous la surface.

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Le lendemain, il est temps pour moi de rejoindre l'aéroport de Denpasaar : depuis le mois de juin j'ai acheté un billet pour rentrer en France, faire la surprise à ma famille et voir ma sœur enceinte, puis profiter pendant 4 mois du bébé.

 

Et bien sûr, j'ai continué à promener mon sac à dos, près de chez moi : voir le bivouac aux Dentelles de Montmirail (France), voir l'escapade dans les Dolomites (Italie du nord) ; voir l'escapade au mont Cervin (Suisse).